Je pense que c’est vraiment la petite phrase que j’avais en tête durant mes premières années de management. Je déclinais d’ailleurs cette petite phrase dans beaucoup d’autres domaines : je veux être la meilleure amie, la meilleure professionnelle, la meilleure compagne….

Mais qu’est ce que peut être le manager idéal ? Quels pourraient en être les caractéristiques et du coup les critères d’évaluation ?

Waouh ! A écrire ça, j’ai le ventre qui se noue. Comment pouvons-nous utiliser des termes aussi cartésiens pour parler d’un métier de relation ? Et pourtant, c’est ainsi que beaucoup de personnes, d’entreprises et de formations raisonnent encore.

Mais si nous n’utilisons pas de terme cartésien, comment parler du management, comment savoir si on fait bien ou pas bien ?

Je vous propose de vous partager un peu de mon expérience.

Au début, naquit la débutante

              Le contexte

 Je viens d’une famille de profession libérale ; je n’ai donc pas entendu parler dans mon enfance de ce qui pouvait se passer dans une entreprise. J’ai fait des études scientifiques en biologie, donc là non plus pas d’échange sur les entreprises. J’ai finalisé mon cursus par un Master spécialisé en logistique industrielle : là je commence à voir ce qu’il peut se passer dans l’entreprise. Mais les aspects managériaux ne sont pas du tout abordés. Et je mets enfin un pied dans l’entreprise lors de mon stage de fin d’étude : le grand saut dans l’inconnu, comme l’oisillon qui sort de l’œuf.

              Les débuts de l’oisillon

Après 6 mois de stage, le dirigeant de l’entreprise me propose un CDI. Quel bonheur ! Mais quelle angoisse ! Je dois notamment organiser le travail des équipes, sans avoir de responsabilité hiérarchique officielle. Pour autant, les opérateurs me considèrent comme la « chef » : je dois leur dire ce qu’ils doivent faire. Et je le fais du mieux que je peux, en m’investissant à 200%. Et ces 200% font que je cours ; mais je cours vraiment. Ils me surnommaient « la grande sauterelle », car dans la cour de l’usine je courais et sautais au-dessus des flaques d’eau, sans prendre le temps de les contourner. Finalement je faisais du sport sans le savoir.

Toute mon énergie était focus opérationnel et résultats.

Mais je ne prenais pas le temps d’échanger avec les personnes : pourquoi perdre du temps ?

              L’oisillon saute dans le grand bain

Quelques années plus tard, changement de vie, j’intègre un grand groupe de haute technologie. Quelle fierté ! C’est moi qui ai réussi à intégrer ce poste ? En doublant mon salaire ? Inimaginable. Mais comment vais-je faire ? Je reprends la même recette : je m’investis à 200%. C’est beau l’énergie de la jeunesse.

2 années plus tard, je débute ma première expérience de management, en hiérarchique et en fonctionnel, les 2 en même temps et sans aucune formation. Je fais donc tout au feeling = je regarde les autres, et j’essaie :

• de faire comme ceux que je trouve pertinents, et

• de ne pas faire comme ceux que je n’apprécie pas.

Et ça marche plutôt bien, j’ai de très bons Résultats !

Mes managers sont contents de moi, c’est que je dois bien faire.

Alors je continue de courir. Prendre le temps d’échanger, de connaître les personnes, de s’intéresser à elles ou à leurs difficultés me ralentit, alors je ne le fais qu’au minimum. Sinon les résultats ne seront plus là.

              La première image que l’on porte sur moi

De fait, les personnes portent sur moi un regard que j’ai du mal à comprendre : je ne suis pas gaie, je suis super dure, vaut mieux allez dans mon sens. En revanche, je suis hyper fiable et on peut compter sur moi.

J’étais passée de « chef » à « adjudant » ! Belle promotion !

J’ai conservé cette image durant de longues années, au travers des différents postes que j’ai occupés.

Mais cette image n’était pas moi. C’était comme s’il y avait 2 personnes en moi : la moi au travail, sérieuse, investie, toujours à fond, pas très causante, et pas forcément drôle. Et la moi à la maison, qui aime exploser de rire, qui veut aider et faire plaisir aux autres, qui aime se prélasser sur le canapé auprès de sa famille. Le grand écart ! Mais à cette période de ma vie, je laisse ça de côté, puisque après tout tout le monde fait comme ça !

La manager reconnue

J’ai poursuivi ma carrière dans le même grand groupe. J’étais performante, donc on me confiait de plus en plus de responsabilités, et des équipes de plus en plus grandes.

J’appliquais la « méthode maison », selon la culture d’entreprise.

J’étais valorisée une fois par an lors de l’entretien d’évaluation. Un peu plus de reconnaissance aurait certainement été dangereux, j’aurais pu prendre la grosse tête, arrêter d’être à 200% voire demander une augmentation ! Et puis la reconnaissance ne sert pas à grand-chose. On n’est pas dans le monde des Bisounours, on bosse ici !

Et j’appliquais ces mêmes recettes en tant que manager. Les entretiens dans lesquels on appuie bien ce qui va mal et où on survole très rapidement ce qui va bien, sans grande conviction. La technique du Oui-Mais.

              L’explosion du Thermomix

Jusqu’au jour de l’explosion. L’explosion de quoi ? De moi. Mais une explosion interne, lente, qui ne se voit pas. Burn out ou dépression, peu importe le terme utilisé. Plusieurs raisons à cela que je ne détaillerai pas aujourd’hui. Je cite juste la perte de sens, la fatigue physique et intellectuelle, le manque de reconnaissance et d’enrichissement psychologique, et surtout le sentiment de ne plus savoir qui j’étais, de « ne plus être ». 3 années de galère, sans aucun jour d’arrêt maladie car il fallait que je reste à 200%. La descente aux enfers.

Je ne pouvais en fait plus vivre le grand écart entre qui j’étais à la maison, la vraie moi, et qui j’étais au boulot, le Thermomix, robot hyperperformant.

              La renaissance

Mais comme toujours, il sort du bon de chaque épreuve. Dans mon cas, cela a été la première rencontre avec une coach qui m’a sortie de mon marasme, puis, après quelques mois, m’a remis entre les mains d’une thérapeute.

Cela a été le début du chemin vers la connaissance de moi, et de qui je voulais être.

Ce chemin est toujours en cours évidemment.

La manager 2.0

Ce chemin m’a permis de faire évoluer mon mode de management, vers plus d’humanité, d’échanges, de gentillesse assumée, de simplicité. Je me suis rapprochée de qui j’étais vraiment. Cela m’a pris plusieurs années, mais je me suis mise sur un nouveau chemin. C’était mon choix (voir mon précédent article sur le choix).

Et ho surprise, mes fameuses performances n’ont pas diminué ! Bien au contraire. Mes collaborateurs étaient motivés, impliqués, heureux de faire partie de la même équipe. Chacun était autonome et l’équipe avançait vite et bien. De mon côté je m’éclatais encore plus, je me nourrissais, je ressentais ma puissance intérieure.

L’aigle royal

J’ai été très longtemps la manager que l’on attendait que je sois, ou plus précisément que je pensais que l’on attendait que je sois.

Quand je me retourne, je n’aime pas beaucoup cette manager. Je pense que je faisais l’opposé de ce que je voulais être, et je dirais même l’opposé de ce qu’il y avait à faire. Cela fonctionne, et je vois beaucoup de mes client.e.s qui sont pris.es dans cet engrenage. Cela fonctionne donc, mais au prix de quels efforts et souffrances ? Je me suis oubliée et perdue en cours de route. Cependant, j’ai appris de mes échecs, j’ai grandi. Je suis allée à la rencontre de moi-même, j’ai changé, j’ai testé, j’ai réajusté.

Et petit à petit je suis devenue la manager que je voulais être, un aigle royal.

Je poursuis aujourd’hui ce chemin en dehors de l’entreprise. L’intention qui m’anime est que chacun identifie qui il veut être, et poursuive son chemin en étant aligné avec lui-même. Que chacun devienne son aigle royal. Qu’il prenne sa puissance et sa liberté d’être qui il veut être. Pour moi c’est la clé de la réussite et du bonheur.

On est loin des critères de performance du manager idéal !

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