L’HABIT FAIT ENCORE LE MOINE

Dans les entretiens de sélection pour intégrer une grande école de commerce, pourquoi les étudiants sont encore obligés de porter l’uniforme costume-bleu-chemise-blanche ? Quel message est envoyé à ces jeunes ? Laissez votre personnalité de côté, elle n’a pas lieu d’être dans le milieu professionnel ? Est-ce réellement le bon message pour ces jeunes en plein développement de leur personnalité ? Je vous propose un remake de Downton Abbey.

Le constat

J’interviens depuis hier dans une école de commerce sur des ateliers de management. C’est également la période des entretiens de sélection pour intégrer à la rentré prochaine le PGE (Parcours grandes écoles) .

L’ambiance est particulière, avec des jeunes qui attendent leurs entretiens devant des salles. Le stress est palpable.

Ce qui me surprend le plus, et cela me surprend chaque année, est la notion d’uniforme. Pratiquement tous les garçons sont habillés de la même façon : costume bleu, et du même bleu en plus, et chemise blanche. On voit bien qu’ils sont mal à l’aise dedans, mais peu importe. Ma propre fille a fait une prépa commerce et on lui avait expliqué à l’époque qu’elle devrait porter pour ses futurs entretiens une jupe noire ou bleue marine. J’ai pu vérifier aujourd’hui que les filles appliquent toujours cette règle.

Piquée par ma curiosité

J’ai eu la curiosité de regarder les conseils prodigués sur internet.

Côté garçons

« L’objectif de l’entretien est de savoir qui vous êtes et de voir si vous correspondez à l’école. » Là je m’interroge : est-ce que c’est en étant tous habillés de la même manière que l’on verra qui nous sommes ? J’ai dû louper quelque chose dans le raisonnement.

 « La tenue n’est donc qu’une formalité pour le jury, mais attention à ne pas tomber dans l’excès ou la négligence. Vos habits doivent être élégants, sobres et simples. Le but est de montrer au jury que vous avez fait un effort pour vous habiller. » Je ne peux qu’être d’accord, être présentable, habillé correctement est bien évidemment un minimum pour passer des entretiens.

« Pour les hommes, le costume. Évidemment, un costume sombre et simple est très fortement recommandé. Il reste la norme… » Je m’insurge, en quoi est-il plus adapté de porter au printemps un costume sombre plutôt qu’un costume beige ? La norme est peut-être à faire évoluer. J’ai l’impression de lire le script de Downton Abbey.

« … et c’est probablement la tenue que vous porterez dans votre vie professionnelle. » Je vous certifie que ce n’est pas le cas. Aucun des chefs d’entreprises que j’accompagne ou ai accompagné ne porte de costume bleu ; le jean est généralisé, avec ou sans veste. Et il en était également ainsi dans le groupe industriel dans lequel j’ai travaillé 20 ans. Le monde évolue !

 « Même si le port de la cravate fait toujours débat, peu de chance que les jurys des grandes écoles de commerce vous en tiennent rigueur si vous n’en portez pas. » (ouf, nous sommes rassurés). « Néanmoins, cela apporte une touche de sérieux supplémentaire. Selon nous : ne prenez pas de risques, mettez-en une ! ». En quoi une cravate est un gage de sérieux ? Qui porte encore des cravates au boulot ?

« Se démarquer : prudence… Vous voulez vous démarquer ? Sachez d’abord que ce n’est pas forcément recommandé : le jury est là pour vous juger vous, pas votre style. » J’adore ce terme de juger.

Côté filles

« Pour les filles, blazer et pantalon. Même règle que pour ces messieurs …, on recommande : chemisier, top uni, veste de tailleur, blazer cintré, pantalon simple (de type droit ou cigarette), jupe et talon de moins de 6 cm. Pour les couleurs, on les préférera sombres même si les couleurs plus vives ou le beige ne sont pas exclues. Attention à ne pas trop en faire ! ». Donc les filles doivent reprendre les codes des hommes avec le blazer (nous sommes des filles, nous avons donc besoin d’un accessoire masculin pour le faire oublier et montrer ce dont nous sommes capables). Même la forme du pantalon est codée, afin qu’il se rapproche des pantalons masculins (dommage pour la mode qui est aux pantalons larges) ; cependant, elles ont la chance de pouvoir mettre du beige (Yes !). Où est la logique ?

Où allons-nous ?

Cet article du net me fait bondir ! Je m’interroge sur l’intérêt de ces tenues (mais peut-être n’ai-je pas toutes les informations en main). Quel est l’intérêt de l’uniformisation ? Est-ce que le fait de porter un costume bleu ou une jupe noire présage du fait que l’on sera un bon étudiant puis un bon professionnel ?

Notre personnalité dans tout ça ?

La façon de nous vêtir est révélatrice de notre personnalité. Et c’est bien notre personnalité qui fera plus de la moitié du job dans la poursuite de nos études et de nos vies.

Notre personnalité va définir le professionnel que nous serons, ne l’oublions pas.

Quel message envoyons-nous à ces jeunes ? Mettez de côté votre personnalité et rentrez dans le moule ?

Rentrez dans le moule

J’ai moi-même fait passer des entretiens de sélection en Master spécialisé, dont certains prétendants avaient suivi une prépa commerce. L’uniformisation se retrouvait dans leurs tenues et dans leurs propos, ils se présentaient tous à peu près pareil. J’ai parfois eu l’impression de parler à des robots ou des enregistreurs plus qu’à des jeunes de 24 ans, en plein développement.

Que faisons-nous de la richesse de la diversité ?

Et après ?

Dans mon métier de coach, j’accompagne souvent des dirigeants ou managers qui ont du mal à identifier qui ils sont vraiment, quelles sont les valeurs qui les animent, quel type de leader ils veulent être. Généralement, ce manque de conscience d’eux-mêmes les fait souffrir et entraîne des comportements qu’eux même ne veulent pas adopter. Lorsqu’ils avancent dans la conscientisation de qui ils sont, et travaillent leur alignement, les choses se libèrent, deviennent beaucoup plus légères.

Ces écoles de commerce forment l’élite, les leaders de demain. Mais ils doivent continuer à s’habiller comme hier. De plus, dès le processus de sélection, le message envoyé à ces jeunes en pleine construction identitaire est que la personnalité n’a pas sa place dans le futur professionnel. Cela ne les incitera pas à découvrir qui ils sont et ce qu’ils veulent devenir. Comment voulez-vous qu’ils deviennent des professionnels alignés avec qui ils sont ?

Mon avis (qui n’appartient qu’à moi) est qu’il est temps de bousculer ces vieux principes, qui sont à mes yeux beaucoup plus délétères qu’on ne le pense !

Quoique… si nous laissons les choses ainsi, les coachs auront un bel avenir devant eux.

NB 1 : un grand merci à ce jeune étudiant qui a accepté que je le prenne en photo. Peut-être le début de la célébrité.

NB 2 : Je ne porte aucun jugement sur les femmes qui aiment s’habiller en tailleur.

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